Évangélisation prend trois « P »

É

Qu’est-ce qu’évangéliser?

J’ai déjà parler un peu de ce que l’évangélisation n’est pas. Mais si l’on reçoit l’Évangile comme une bonne et heureuse nouvelle que l’on a envie de partager — c’est à dire si l’on pense qu’il y a quelque chose de profondément bon et beau et vrai dans l’Évangile de Jésus-Christ et que l’on a l’intention de la partager — quels éléments sont nécessaires pour le transmettre à d’autres?

Présence

Le modèle de toute approche missionnaire, c’est l’approche de l’Envoyé par excellence — le Christ. C’est l’incarnation.

L’incarnation est une identification paradoxale avec les gens à qui l’on veut partager cette bonne et heureuse nouvelle. Paradoxale, car elle est totale tout en étant incomplète: « dans le monde sans être du monde. » Dieu s’est vraiment fait homme, il n’en a pas juste pris l’apparence. Jésus n’a pas trempé juste le gros orteil dans l’eau pour le retirer rapidement: il est allé au bout de la misère, des peurs, des tentations, des souffrances humaines. Il a été pleinement dans le monde. Et pourtant en tout temps son origine était ailleurs, sa force il la puisait dans sa relation avec son Père, son message était l’annonce d’une réalité autre. L’image de l’ambassadeur (2 Corinthiens 5, 20) reprend ces aspects: l’ambassadeur vit dans un pays étranger, et doit en connaître parfaitement la langues et les coutumes. En même temps, il sait qu’il vient d’ailleurs, et qu’il représente autre chose.

Celui qui évangélise ne peut pas faire l’économie de se rapprocher de ceux qu’il rencontre, être prêt à s’identifier à eux, à partager leur réalité, à porter leur joies et leur peines, à vivre avec. Et dans cette vie partagée, toutes les actions qui sont faites (qu’il s’agisse de services rendus, d’œuvres de réconciliation, de résistance au mal et à l’injustice, etc.) découlent naturellement du fait que le témoin vit d’une Vie qui dépasse ce monde; qu’il est citoyen d’un pays différent. Et cette vie jaillit naturellement.

Le rapport entre évangélisation et service a souvent posé des questions: est-ce qu’il faut séparer les deux, est-ce que nos œuvres ne sont qu’un prétexte pour annoncer l’évangile, etc. Ces tensions ne se posent pas dans le modèle missionnaire de l’incarnation. Il n’y a pas de témoignage sans incarnation, et de l’incarnation découle naturellement un style de vie différent qui se manifeste dans des actions de service.

Parole

Mais est-ce que ce style de vie est suffisant? Il est très à la mode de citer François d’Assise:

« Prêchez l’Evangile en tout temps et utilisez des mots quand cela est nécessaire. »

On le comprend comme: la plupart du temps, notre style de vie est une annonce de l’Évangile.

Il n’en est rien.

L’Évangile n’est pas un style de vie, mais une histoire qui, si on y adhère, conduit à style de vie différent (Tim Keller 1). Il ne suffit pas de vivre et d’agir, il faut parler. L’Évangile est l’annonce d’un nom et d’un fait, et aucune action ne peut remplacer cette annonce. On peut montrer un style de vie différent, mais il faudra encore et toujours dire l’histoire sur laquelle cette vie s’appuie, si l’on veut que d’autres puissent aussi puiser à la même source.

Présence sans Parole est insuffisante. Mais bien sûr, Parole sans Présence c’est du « prosélytisme »: on n’aime pas vraiment les gens que l’on rencontre, on veut simplement les utiliser pour gonfler nos rangs. Ce faisant, on devient vite gonflant. Et il ne s’agit pas de parler tout le temps non plus, mais de la faire avec sagesse et à‑propos.

Puissance

Finalement, la Présence et la Parole ne suffisent pas. Il faut la Puissance.

Vous recevrez une puissance lorsque le Saint-Esprit viendra sur vous, et vous serez mes témoins.

C’est l’Esprit — et l’Esprit seul — qui peut convaincre: « personne ne peut dire: “Jésus est le Seigneur!” si ce n’est par le Saint-Esprit » (1 Corinthiens 12, 3, cf. Romains 8, 5–6). Sans cette puissance à l’œuvre dans la vie des gens, le témoignage est vain. Et si c’est l’Esprit qui agit, on se rend compte aussi que notre apport n’est qu’un affluent à une rivière qui coule déjà.

De plus, sans cette Puissance qu’apporte l’Esprit-Saint, la mission perd son moteur et s’étouffe. C’est lui qui donne l’amour et l’humilité nécessaires à une réelle Présence. C’est lui qui donne la joie, l’envie et l’intelligence pour dire une Parole pertinente. Cette puissance est la puissance d’une vie transformée par le baptême, par l’immersion dans la vie du Christ, et par là l’identification à sa mort et à sa vie. Elle a comme fruit une Présence et une Parole renouvelées, sincères et joyeuses. Et elle se manifeste aussi parfois dans des actes extraordinaires, dans des réponses surprenantes à des prières. En tout cela, la Puissance témoigne du fait que l’Évangile n’est pas un discours parmi d’autre, que la foi chrétienne n’est pas qu’une sagesse et Dieu n’est pas qu’un idée: Dieu est réel, Jésus est vivant, l’Esprit l’atteste:

« Ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse [humaine], mais sur une démonstration d’Esprit et de puissance, afin que votre foi soit fondée non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. » (1 Corinthiens 2, 2–3)


Qu’en pensez-vous?

  1. Au Study Summit 2012 du Diocèse de Londres sur le thème « Being the Church in a World City ». Merci à Jonathan pour la référence.
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